« Colombe, t’iras à la soirée à Central Park ce soir ? ». La jeune rousse relève la tête, abandonnant l’espace de quelques secondes le décor qu’elle était en train de peindre pour le prochain spectacle. Elle hausse les épaules avant de répondre à sa collègue : « J’sais pas. De toute façon, j’passe par là pour rentrer chez moi, alors je m’y arrêterais peut-être. ». Pour tout dire, elle n’avait pas réellement la tête à la fête : son frère était certes revenu de cette Ile lointaine, mais elle n’avait pas eu l’occasion de le revoir depuis la dernière conférence de presse. Leurs parents continuaient de s’évertuer à les séparer, comme si cela ne faisait pas des années qu’ils ne s’étaient pas vus. Les deux jeunes femmes se replongent dans leur travail respectif. Puis, la patronne, cousine de sa mère, leur fait signe qu’elles peuvent partir. Colombe nettoie tout, se change et salue tout le monde avant de partir. Elle se dit que ça coute pas grand-chose de faire un petit tour à cette soirée, dont tout le monde parle depuis des semaines. De toute façon, c’est sur son chemin … et puis peut-être qu’avec un peu de chance, son frère s’y trouvera aussi. Quelques stations de métro plus tard, elle pose le pied dans le parc, où déambule déjà une grande foule. Jamais elle ne parviendra à retrouver qui que ce soit là-dedans … Alors elle flâne à son tour, regardant tout autour d’elle dans l’espoir de croiser un visage connu. Et, comme on pouvait s’y attendre à force de regarder partout ailleurs que devant soi, elle finit par percuter quelqu’un. Un gobelet désormais vide s’écrase par terre, et Colombe est déjà rouge de honte, prête à s’excuser pendant un bon quart d’heure. « C'est une nouvelle technique de drague de foncer dans les gens ? ». Elle bredouille. « Non non, c’est heu … bah je regardais pas vraiment devant mois et heu … désolée ! ». Elle espère que c’était encore à peu près compréhensible. Qu’elle ne va pas passer pour une folle. Qu’il ne va pas se mettre à crier parce qu’il n’entend pas ses excuses. Mais, plutôt que de s’énerver, il déclare juste. « Tu vas devoir me repayer une bière ma jolie. ». Elle hoche la tête, très vite. « Mais oui, bien sûr, pas de problème … j’suis vraiment, vraiment désolée ! ». S’il continuait à lui parler, il allait l’entendre très souvent, ce mot. Une fois que Colombe est lancée, il est difficile de l’arrêter. C’est pourquoi, lorsqu’il eut le malheur de déclarer que son costume était fichu, la voilà qui reprend : « Ho lala, j’suis vraiment pas douée … encore désolée ! ».