Matthew avait toujours eu une part de sa personnalité un peu rêveur. Pas tout le temps, fort heureusement. Mais il lui arrivait de faire sa ronde près des falaises, et une fois que son service était fini, de rentrer par la forêt, pensant à plusieurs choses et d’être tellement pris dans ses pensées qu’il finissait généralement à un endroit inconnu. Du moins, pas si inconnu que ça. C’était d’ailleurs ce qui lui était arrivé aujourd’hui. En finissant son service, il était passé par la forêt, comme d’habitude, et il avait laissé son esprit vagabonder, là encore comme d’habitude. Il avait trop de choses en tête. Cette histoire de trou rempli d’eau avec Avery, qui –honnêtement- l’avait vraiment pris par surprise. Et puis cette histoire d’originaires pas nette qui commençait sérieusement à lui prendre plus la tête qu’autre chose. Matthew n’avait jamais totalement fait confiance aux originaires, loin de là, il les avait toujours soupçonné de quelque chose. Mais de là à imaginer qu’ils auraient pu contacter le continent, ça, il ne l’avait pas vu venir. Il essayait encore aujourd’hui de savoir pourquoi et comment cela avait-il pu arriver.

Alors que ses pensées l’empêchaient clairement de savoir où il allait, Matthew avait fini, encore une fois, à la clairière. Ce grand espace vert et lumineux. Malgré lui, il aimait passer du temps à cet endroit, beaucoup plus quand il était seul ou bien en bonne compagnie. Mais toutes ses pensées l’empêchaient de passer un bon moment tranquillement. Le militaire avait secoué la tête, se débarrassant de toutes pensées superflues et s’était avancé dans la clairière, appréciant le vent traverser ses cheveux. Il avait une barbe de quelques jours, preuve qu’il n’était pas aussi en paix avec son esprit qu’il ne le pensait.

Alors qu’il relevait la tête en prenant une grande bouffée d’air, il vit une silhouette assise au loin, à une cinquantaine de mètres, et la curiosité le prit. Après tout, il savait se défendre, il n’avait rien à craindre. Alors qu’il se rapprochait de plus en plus, jouant sur sa discrétion, il aperçut par-dessus l’épaule de la silhouette –qu’il reconnut comme une femme- une tête de nourrisson. Le militaire fronça les sourcils alors que le bébé le regardait de ses grands yeux et Matthew pensa même pendant un instant qu’il était vraiment déstabilisé. Non pas qu’il n’aimait pas les bébés ou quoique ce soit, il n’avait juste pas eu beaucoup d’occasion d’en approcher. Si Matthew était vraiment honnête, il dirait que les bébés le rendaient nerveux. Le militaire savait qu’il ne voulait pas d’enfants. Après tout, il était militaire et même s’il arrivait à partir de l’île un jour, ce serait uniquement pour se réengager dans l’armée après. Cela n’aurait rien d’une vie heureuse s’il avait un enfant.

La jeune femme se tourna alors vers lui et Matthew ne put s’empêcher d’ouvrir grands ses yeux. « Nom d’un chien… Hayley ? » demanda-t-il en fronçant légèrement les yeux. Elle avait changé depuis tous ces mois et il ne parlait pas simplement du fait qu’elle tenait un bébé dans les bras. Elle avait l’air plus épanouie, plus calme et posée. A vrai dire, la dernière fois qu’ils s’étaient vus, cela n’avait pas été tout rose entre eux. Certes il lui avait sauvé la vie, mais cette journée-là s’était finie en partie de jambes en l’air et nul doute qu’Hayley n’avait pas apprécié le fait que Matthew se sauve avant le matin. A cette pensée, il ne put s’empêcher de paniquer. Elle avait un bébé dans les bras. Ils avaient couché ensemble il y a des mois. Combien de mois précisément ? Matthew fronça d’avantage les sourcils à cette pensée. « Quelle surprise de… enfin de te voir ici tout d’abord et puis.. qui est-ce ? » demanda-t-il finalement en s’accroupissant alors qu’il regardait le bébé droit dans les yeux. Honnêtement, il paniquait un peu à l’idée qu’il aurait pu être le père du bébé.