<< On aurait dit que j'étais pris au piège d'un cauchemard terrifiant, un de ceux ou l'on est forcé de fuir, de courir jusqu'à ce que les poumons donnent l'impression d'exploser, sans que l'on réussisse pourtant à bouger aussi vite. Mes jambes paraissaient s'engourdir au fur et à mesure que je me frayais un chemin parmi les arbres. Animés par une force implacable, les aiguilles du temps tournaient indifférentes, se rapprochant inexorablement de la fin - la fin de tout. Je n'étais pas en train de rêver, cependant, et à la différence d'un mauvais songe, je ne cavalais pas pour sauver ma peau mais quelque chose d'infiniment plus précieux. Ma propre survie ne pesait rien du tout à mes yeux, ce jour-là. >> Sam Hunprey.

Ce cauchemard anormalement présent dans ma vie était une réalité etrangement tangible. Un cauchemard s'illuminant heureusement par des présences précieuses. Elles me permettaient de respirer, c'était un souffle d'air, cela donnait de la puissance à l'air de passer par ma cage thoracique, de pousser dans une force sans nom et de ressortir, cela me permettait de survivre tout simplement. Lorsque quelques fois, l'espoir traçait un chemin dans ma tête pour s'amoindrir à la surface délicatement, il m'était d'autant plus utile de savoir qu'au loin je n'étais pas seul. J'avais beau me persuader que la solitude était ma source de vie, il n'en était rien. Rares sont les personnes qui connaissaient véritablement mes états d'âme, rares sont celles dont la présence etait capitale à ma survie. Ma vie est synonyme à une chaine solide. Si l'on brise les trois seuls maillons de cette chaine, je serais incapable de m'en relever. La souffrance n'est rien. Je peux supporter la mort, en revanche, je ne peux supporter l'absence. A mon arrivée sur l'île, j'ai vraiment été sucé par l'incomprehension et le déni. Ma raison avait beau s'acharner à me rendre un semblant d'existence, je m'efforcais de sombrer dans ma réalité. Celle ou tout allait bien, celle ou mon corps ne subissait pas un trou énorme dans la poitrine, tranchant mes organes vitaux et laissant des plaies béantes aux lèvres grossièrement tailladées, continuant tout naturellement de saigner douloureusement en dépit du temps. La réalité était tout autre, j'avais perdu mon père. Et la seule question que j'étais encore capable de me poser s'attenuait au fur et à mesure. Tout mon corps vibrait comme un signe distinctif. Tant que mes poumons fonctionnaient, tant que mon coeur battait, il m'était impenssable d'attérir dans cette réalité. Je m'obligeai à retrouver mon hébétude, mon déni. Malheureusement, ils me fuyaient. Pourtant, je decouvrais que j'étais capable de survivre. J'étais alerte. La peine née de la perte irradiait à partir de mon coeur, declenchant des vagues épouvantables dans mon crâne et dans mes membres. Or, c'était supportable. Je m'en remettrais. Ce n'était plus la torture qui m'avait auparavant anéanti, plutôt quelque chose que j'étais suffisament fort pour endurer.

Ce soir-là, pour la première fois depuis longtemps, je ne sus pas de quoi mon lendemain sera fait. Je le dois inexorablement à mon petit garçon Luke. Grâce à lui, j'ai compris que la réalité, bien que rempli de souffrance et de mort, pouvait refaire parti de mon quotidien. J'avais beau en vouloir à la terre entière, un seul être m'avait redonner la force et l'envie d'avancer. Le courage de réapprendre à vivre. Cette vie qui me deplaisait tellement venait de s'éclairer à chaque sourire de ce fils dont l'existence même était ma clé. La clé de tout. Sans sa présence, je perdais pied, je me noyais dans ma terreur et mes retranchements, dans ma rebellion contre le monde et ces caprices. Lorsqu'il était là, je redevenais le Sam qu'on a oublié avec le temps ou parce qu'on avait plus la force d'y croire. Vivant, possessif, farceur, mon identité, je la retrouvais pour mieux la perdre par la suite. Une autre personne m'avait permis de reprendre le cours de mon existence là ou je l'avais égarer en chemin. Même si elle ne s'en rendait pas bien compte, elle était mon semblant de vie, ma capacité de croire qu'un jour, le monde pouvait devenir meilleur. Sans elle, sans mon adrénaline, sans ma distraction, tout ce que j'avais reprimé se reveillerait lentement. Elle permettait à mes angoisses de se taire au fond de moi comme un oiseau attendant sagement de s'envoler. J'aimais ces instants précieux ou le temps semblait s'arrêtait ou seul nos trois existences comptaient. Ce qui se passait autour de nous n'avait plus aucune importance, rien au monde n'était plus précieux que nous. Cela semblait tellement naturel, pourtant il y a quelques mois en arrière, nous étions tous deux dans un flou artistique. J'aimais sentir que la terre tournait parce que nous en donnions le mouvement. J'avais donc donné rendez-vous à mon petit bonhomme ainsi que sa chère maman pour arrêter le temps en famille. Je l'attendais patiemment en explorant chaque recoin de cette belle cascade. Il y avait de nombreuses merveilles en ce monde. On oubliait certaines fois d'en profiter pleinement.