Il serait possible que je vous raconte l’histoire de mes parents. La façon dont ils se sont rencontrés, où, quand, comment, si ce fut le coup de foudre ou si au contraire l’amour s’installa plus tard. Il serait possible que je vous décrive la demande en mariage de mon père, les larmes de ma mère, la naissance de mon grand frère. Je pourrais tout vous raconter, avant même ma propre naissance, mais encore faudrait-il que je connaisse leur histoire. C’est à ce moment que vous pensez “Quelle tristesse, ses parents l’ont surement abandonnée, ou sont peut être mort alors qu’elle était petite, elle ne les a jamais connus !”. Rassurez vous et enlevez vous tout de suite cette idée de la tête. Je les ai bel et bien connus, j’ai bel et bien grandi à leurs côtés. Je les aimais. Pourtant, je ne savais rien d’eux. Je n’ai jamais rien su. Leur vie avant que j’existe, ça ne m’a jamais intéressé. Si je suis née égocentrique, soyez sûrs que je ne le suis plus maintenant.
L’histoire, MON histoire, débute le 3 mai 1991, dans un quelconque hôpital de la ville de Cambridge. Je pourrais vous détailler ma naissance, l’accouchement, car cette histoire je la connais par coeur, mais quelque chose me dit que ce n’est pas la partie qui vous intéresse le plus. Je passe. J’ai grandi dans une famille anglaise aisée. Mon père Joe, ma mère Alice et mon grand frère Tony (de deux ans mon ainé) étaient ce que j’appelais “ma famille”. Je crois pouvoir dire qu’on s’aimait.. On ne se le disait jamais. En fait, la communication était quelque chose que l’on ne connaissait pas. Sauf le soir, quand Papa venais nous lire des histoires. Je pense que j’ai vécu trois ans sans vraiment vivre, guidée par un amour sans limite que j’avais pour mon père plus que pour quiconque. Ces trois années de pur bonheur, dont je me souviens anormalement juste parce que je n’ai jamais été aussi heureuse depuis, n’étaient pas ce qu’on pouvait appeler « la vie ». C’était bien trop beau. Pour moi, la vie a débuté lorsque j’avais trois ans.
Maman est venue me chercher à l’école. On était jeudi, et d’habitude, le jeudi, c’était Papa qui venait me chercher. Tony était avec elle, et elle le tenait par la main. C’est drôle à dire, mais malgré mon très jeune âge, j’ai tout de suite vu que quelque chose n’allait pas. Vous l’avez sans aucun doute aussi bien deviné. Haute comme trois pommes, avec mes deux petites couettes brunes, mon petit sac rose sur le dos (qui faisait sans doute de moi le pire cliché de la petite écolière de trois ans), je m’avançais lentement vers ce qui restait de “ma famille”. Maman m’accrocha dans mon siège-bébé et Tony s’installa à côté de moi sur son ré-hausseur. Je parlais plutôt bien pour mon âge, et comprenais d’autant mieux. Ma mère ne démarra pas tout de suite la voiture. Elle regardais droit devant elle. Après quelques minutes, elle fondit en larmes. Du plus loin que je me souvienne, ses minutes dans la voiture à entendre ma mère pleurer me parurent une éternité. Mais elle ne prit jamais la parole pour m’annoncer la nouvelle. Lorsqu’elle démarra, comprenant qu’elle ne me dirait rien, Tony prit ma main minuscule dans la sienne, et me dit :
– Maman dit que Papa ne rentrera pas à la maison ce soir. Nous ne reverrons plus jamais Papa, Mil’. Maman ne veut pas me le dire, mais je crois que Papa est allé au ciel.. Qu’il est mort. Ne t’en fais pas petite soeur, je prendrai soin de toi.
La mort. C’était une notion très vague pour moi à mon âge. Pourtant le manque se fit ressentir immédiatement. Je ne le reverrai plus jamais. Mon père. Celui qui avait toujours pris soin de moi, depuis trois ans. Trois ans de vie avec quelqu’un, ça peut paraitre dérisoire, pourtant encore aujourd’hui j’arrive à revoir parfaitement son visage. Encore aujourd’hui, il arrive à me manquer. Mon frère était très intelligent. Il n’avait que cinq ans, mais il avait déjà tout compris. On était quatre avant. Maintenant nous n’étions plus que trois. Bien que maman ne soit, habituellement, pas quelqu’un de très bavard, je crois que c’est ce jour-là qu’elle arrêta de parler. Pendant près d’un an, je ne l’entendis plus dire un seul mot. Elle préparais nos petits déjeuners. Nous amenait à l’école. Nous faisait à manger le soir. Nous mettais au lit. Les histoires que papa nous lisait, elle ne nous les lisait pas. Les berceuses que papa nous chantait, elle ne nous les chantait pas. Et chaque soir dans son lit, pensant que nous étions endormis, elle pleurait cet homme disparu qu’elle avait tant aimé...
Bref, que d’émotions. Cette femme n’était plus ce qu’on pouvait appeler une mère, et pourtant, en petite fille modèle que j’étais, j’ai continuer à l’aimer comme il se devait, et à tenter tant bien que mal que combler l’amour qui lui manquait avec des calins. Tony faisait de même. Durant les années suivantes de notre vie, notre scolarité fut brillamment réussie. De trois à dix ans, je fus chaque fois première de ma classe, je m’intéressait déjà à mon avenir, et j’étais d’ailleurs vouée à de belles études dans l’université de Cambridge. La mort de papa (dont je ne connais toujours pas la cause), n’a pas affecté nos revenus. Ça peut paraitre cruel comme phrase,mais ce que je veux dire, c’est que nous étions toujours aussi riche, et même encore plus riches depuis la promotion de maman, et son re-mariage avec un Londonnien, quelques jours après le douzième anniversaire de mon frère. On déménagea alors à Londres. On quitta notre jolie maison de Cambridge pour un magnifique loft en duplex sur les toits londonniens. J’ai toujours su que maman n’était pas amoureuse de Frederick, son second mari.Mais c’était un mariage qui l’arrangeait, alors que je respectai son choix. Tony, lui, eu plus de mal à l’accepter. Lorsqu’il eu treize ans, et moi onze, un soir où Fred travaillait tard, j’assistai à une scène qui avait lieu entre Tony & maman, et m’imiçai dedans.
– Mais quitte-le Maman ! Tu vois pas que c’est pas le bon mec pour toi ?! C’est pas PAPA !
– Je suis amoureuse de Fred, Tony. Ça fait longtemps que papa est parti, il faut aller de l’avant...
– Il est pas parti, il est MORT ! J’aime pas ce nouveau gars, je veux pas qu’il soit son p***** de remplaçant, bordel !
– Surveille ton langage ! Tu...
– Maman ! Il a raison, Tony a raison, on sait que tu ne l’aimes pas.. Et tu le sais toi aussi !
– Ce n’est pas vos...
– Affaires ? Ce SONT nos affaires ! Quitte le..
– Je.. Il est tard les enfants, c’est l’heure de se coucher.
– Juste.. Fais-le. Ou fais revenir papa à la vie. C’est l’un ou l’autre.
– Bonne nuit maman...
Cette nuit-là, on l’entendit encore pleurer. Cette-nuit là, Frederick rentra à six heures. Cette nuit-là je compris qu’il avait une aventure. Tony aussi. Maman aussi. Pourtant, elle ne le quitta pas. Tony attendit un mois. Maman ne quitta pas Fred, et, bien sur, elle ne ressuscita pas Papa. Durant ce mois, à chacune des absence de Fred, Tony en profitait pour crier dans tout l’appartement, balancer les pires insultes à l’égard de maman. Et au bout d’un mois, comme rien n’avait changé, il partit. Un nuit, il sortit, il quitta le “foyer familial” avec quelques affaires, et partit. C’est à ce moment, et sans doute un peu trop tard, que maman se décida à divorcer, en dénonçant l’adultère de son mari. Elle s’en sorti avec l’appartement, indemnités et pension alimentaire. Que demander de plus... On ne revit jamais Frederick. On était trois avant. Maintenant nous n’étions plus que deux... Heureusement, comme je l’avais toujours su au fond de moi, un matin au bout de plusieurs mois d’absence, Tony réapparu. Quand maman le vit, devant la porte de l’appartement, elle baissa les yeux vers lui, fondit en larmes et s’en alla dans la sa chambre. Moi, je lui sautai dans les bras...
Autant dire que Londres ne fut pas une réussite. Au contraire, ce fut le début de la déchéance, aussi bien pour Tony que pour moi. Nos résultats scolaires chutèrent d’un coup, et nous fréquentions des gens, comme dirait maman “peu fréquentables pour une classe sociale comme la notre”. Je détestais cette façon qu’elle avait de prendre les gens de haut. De croire que notre argent nous permettait d’être les rois du monde. A quatorze ans je rencontrai Hanna Davis, qui deviendra dès ce jour ma meilleure amie. Si je dois m’étendre vraiment en détail sur une partie de mon histoire, c’est la suivante : c'est l'année scolaire de mes 15-16ans, 11 mois avant le crash ; c’est William Chet.
A quinze ans, je vivais sur le campus de mon école, dans une petite chambre que je partageais avec Hanna. Tony vivait un étages au dessus, avec Carlo, un latino tout droit venu de Rio, et que mon frère aidait à vendre sa dope. Inutile de dire que c’était le fruit de nombreuses disputes entre moi et Tony. Pourquoi on était plus à la maison ? La vérité, c’est que maman était partie. Un jour, elle était partie, comme ça. Elle avait laissé un mot qui disait “Vivez mes amours, je vous aimerai toujours”. Un p***** de mot, que j’aurai préféré ne jamais lire. On ne savait pas si elle était encore en vie ou non. On ne l’avait jamais cherchée. Et on avait alors dû se débrouiller seul. Bref, je ne venterais pas de cette partie de ma vie.. Quoique. J’étais, en toute modestie, sans doute la fille la plus désirée de tout le bahut. J’étais aussi une vraie peste. Je préférais largement m’intéresser aux mecs et aux soirées plutôt qu’à ma réussite scolaire. Tout les mecs voulaient me sauter, et pardonnez moi l'expression. Mais je ne me faisait sauter que par ceux qui me plaisaient. C’est ce qui me différenciait de cet abruti de William Chet. Tellement beaux gosse, qu’il pouvait se permettre toutes les filles. Lui, il les sautait toutes. Sans exception. Il avait sans doute déjà sauté toutes les filles du bahut, sauf moi & Hanna. Pourquoi ? Parce qu’on le détestait au plus profond de nos tripes, il nous dégoutait. On préférait autant mourir que passer une nuit avec lui. Pourtant moi, j’adorais de faire languir. Oui, parce qu’il est clair qu’Hanna et moi étions les prochaines sur sa liste, malgré le fait qu’il criait sur tous les toits qu’il nous haissait au plus haut point, lui aussi. Je crois que celui qui le détestait le plus, c’était Mikey. Lui, moi et Hanna formions, si on veut, le “trio de choc” de notre lycée. Les trois inséparables. Ce soir-là, c’était LE soir. Chet organisait la soirée de l’année dans sa grande maison, et on était bien décidés à en profiter un max, aussi bien pour se faire plaisir sexuellement parlant, que pour faire ch*er Chet au maximum.
J’étais dans ma chambre. Hanna n’était pas là, elle devait sans doute encore être avec Mikey pour l’organisation de la soirée, les bijoux qu’on allait voler et tout le tralala. Je passais le temps sur mon PC portable, assise en tailleur sur mon lit, avec un joint à la main quand Tony entra.
– Mil’, je retrouve pas mon téléphone, tu l’as vu ?
Je ne répondis pas tout de suite, je tirai une longue latte et, sans lever les yeux de mon écran, répondis :
– Ouais, là, sur le canapé.
– Merci. Prête pour ta soirée ?
– Je pense.
– Tu vas porter ça ?
Je regardai comment j’étais habillée. J’avais un jean moulant et, en haut, un haut gris et large qui découvrait une épaule, avec un débardeur blanc en dessous.
– Oui, pourquoi ? Je vais mettre ça (je pointai mes chaussure à talons) et rajouter ça (puis mes colliers, bracelets et boucles d’oreilles). C’est moche ?
– Non. Mais tu devrais mettre une robe...
– Je mets tout le temps des robes en soirée.. Cette-fois-ci je veux pas faire ce plaisir à Chet.
– T’es magnifique de toute façon.
Je ne relevai pas le compliment. J’étais énervée à cause de la question que j’allais lui poser, ou plutot de la réponse qu’il allait me donner.
– Tu fais tes putains d’affaires louches avec Carlo ce soir ?
– Oui, et t’as rien à dire. Il est en galère, il a besoin d’argent. Il peut pas le faire tout seul alors je l’aide, et ça me rapporte à moi aussi !
– J’aime pas ça. Un jour, tu finiras par te faire tuer.
– T’inquiète pas pour moi.
– Je m’inquiète ! Gagner de l’argent en vendant des drogues c’est dangereux !
– Au moins je m’envoie pas ma propre came !
Il m’avait lancé ça à la gueule, comme si moi je m’envoyais la came que je vendais. Moi, je faisais pas ce genre de choses, je vendais pas. Je consommais, et encore, c’était rien ça. Je regardais le reste de joint que j’avais dans la main.
– Sérieusement ? C’est rien ça ok ?
– Et tes pillules ? Exta, LSD.. C’est rien ?!
J’explosai de rire. J’explosais toujours de rire quand il avait raison et que je n’avais plus rien à dire, ça détendait l’atmoshpère. Il me suivit dans mon rire. J’écrasai mon joint dans le cendrier.
– Sois prudent grand frère, sérieusement.
– T’en fais pas petite soeur, et toi aussi.
Il ferma la porte derrière lui. En jetant un coup d’oeil au réveil, je m’aperçus qu’il était l’heure. J’enfilai colliers, bracelets et boucles d’oreilles ainsi que mes talons, et je sortis. Mon scooter m’attendait dans le parking du campus, je montai dessus, et démarrai. J’arrivai au point de rendez-vous que Mikey, Hanna et moi nous étions donnés, avec une bonne demie heure de retard vu leurs regards.
– En retard, encore.
– Désolée mes chéris. Monte Hanna !
Je lui indiquai l’arrière de mon scoot.
– Non Mil’, je monte derrière Mike cette fois.
Mike monta sur sa moto, Hanna derrière. Il démarra et je le suivis jusqu’à la maison de Chet. Il était tard, mais il fallait bien se faire un peu désirer.. ! Vue de l’extérieur, la fête avait l’air plutôt énorme, bonne musique, cris partout, fumeurs dehors... Bonne ambiance. On poussa la porte, et le bruit nous assourdit d’un coup. Tout le monde criait, sautait, dansait... Et toutes les filles étaient en robe. Même Hanna, en fait. Tant pis.
– Wao, des bombes atomique dans MA maison ?? J’en ai de la chance !
– Ta gueule Chet, on n’est pas venues pour toi, mais pour faire la fête !.
– Elle disent toutes ça au début.. Choisissez votre partenaire les filles ! Vous allez faire l’amour ce soir, avec qui vous voulez ! Sauf avec moi, bien sur, vous vous doutez bien que je déjà pris pour la nuit..
Il nous adressa un clin d’oeil avant de désigner une groupie blonde aux gros seins qui se trouvait derrière lui et que je n’avais jamais vue. Je lui rendis son clin d’oeil.
– Une de plus, William. Bien joué.
– Oh, sois pas jalouse chérie, t’es juste pas mon type, c’est tout.
J’esquissai un sourire. Entre Chet & moi, c’était un jeu. On se détestait pourtant, mais on avait pratiquement la même réputation, on était obligé de jouer. A la base c’était un jeu. Je m’approchai de lui.
– Bien sur.. Mais tu sais que tu n’aurais pas pu résister si je t’avais choisi toi ce soir. Dommage mais t’en fais pas pour moi, ya bien mieux.
En haussant le sourcil, je lui tournai le dos, et parti sur la piste rejoindre les autres qui dansaient. Je n’attendis pas longtemps avant qu’un blond au look typiquement surfeur vienne me rejoindre. Mignon. Je crois que j’avais ma cible pour ce soir. Il me connaissais, Chet lui avait visiblement déjà parlé de moi. Il essayait de m’avoir avec des phrases stupides et toutes faites comme “Tu es encore plus belle que ce que m’avait dit Will” Le moment où il réussi à capter mon attention, c’est quand il me proposa de sortir fumer. On fumait, discutait, flirtait. On savait tous les deux comment ça allait finir. Entre deux lattes, il m’embrassa. C’est ce moment que Chet choisi pour sortir de la maison.
– p***** Tyler, te voilà enfin ! Ça fait deux ans que je te cherche !
Quand il m’aperçut, il me sourit. Un sourire plutot irrésistible, s’il ne m’avait pas été adressé par William Chet.
– Oh, tu as choisi ta fille.. Et pas la plus moche en plus !
– Alors Chet, toi & “Blonde-aux-gros-seins” vous l’avez fait ou pas encore ?
C’était évident que je me foutais de lui. D’ailleurs, il ne répondit rien d’autre que sa réplique préférée :
– Ne sois pas jalouse bébé, j’ai promis que tu serais la prochaine.
Je partis dans un éclat de rire plus dû au joint qu’à la tentative de “blague sérieuse” de William, puis je partis, au même moment où Hanna arrivait. Je ne saurai dire si c’était aussi a cause du joint, mais je crus entendre Chet lancé à son pote (visiblement nommé Tyler) : « Pas question que tu couches avec elle, compris ? ». Vous voyez, c’était un jeu.. à la base.
Cette nuit là, ça se passa comme prévu, moi & ledit Tyler on coucha ensemble, je partis tôt le matin sans réveiller personne. J’en avais oublié le “foutage de m****” qu’on avait prévu, à savoir vol de bijoux etc... Ma Mikey m’assura que lui & Hanna avait géré ça. Hanna, parlons-en d’ailleurs... Le lendemain, au bahut, elle accouru heureuse comme jamais, m’emmena dans un coin et me balança :
– p***** DE BORDEL DE m**** ! Tu vas pas y croire ! Devine quoi ?
– J’aime pas les devinettes, dis moi..
– Allez, devine avec qui j’ai couché la nuit dernière ?
– Hm, je sais pas, Mikey ?
– Quoi ? Non ! Chet ! William Chet !
Ça me fit l’effet d’une bombe, et je ne savais même pas pourquoi. Je ne savais pas non plus quel sentiments prenait le dessus entre le dégout, la colère, la jalousie, et des millions d’autres. Je mis un moment avant de sortir quoi que ce soit de ma bouche.
– Tu plaisantes, pas vrai ?
– Non !
– Et t’en es fière ? p***** de m**** Hanna t’es débile ou quoi ?
– Mais allez, Millie, c'est marrant ! Mike & moi on a quand même volé ses bijoux, et sans vouloir t'offenser, pendant ce temps tu étais en train de jouir avec un gars que tu venais de rencontrer !
– Quoi ? Quoi, mais.. Tu es sérieuse ?! Non ! Non c'est pas "marrant", Han’, bordel, tu détestes ce mec !
– Mais c'est un très bon amant..
!
– Amant ?! L'amour est un mot complètement opposé à lui ! Tu.. Tu me dégoutes.
Je partis en la laissant désemparée. Sa blague avait mal tourné. De tout le campus, elle était une de celles qui détestaient Chet le plus, elle était une des deux seules à ne s’être jamais fait sauter par lui jusqu’à cette nuit. J’étais dégoutée, c’était le cas de le dire.
Je croisai mon frère aux casiers, et aperçu qu’il était blessé à la hanche. Ne voulant pas monter sa blessure devant tout le monde, il m’emmena dans les toilettes des mecs et m’expliqua que l’opération d’hier avec Carlo avait mal tourné. Il s’était pris un coup de couteau. Carlo était à l’hôpital, mais ses jours n’étaient pas en danger.
– p***** Tony je t'avais dit d'être prudent ! J'ai déjà perdu papa et maman, je veux pas te perdre toi aussi, okay ?
Chet entra dans les toilettes au moment où j’en sortai.
– On te trouve toujours au même endroit...
Je ne relevai pas.
Quelques heures après, le soleil descendait peu à peu vers l’horizon. J’étais sur les gradins du terrain de rugby, un joint à la main, les yeux rivés sur les joueurs. Sur un joueur. Mon regard de s’en détachait jamais. William Chet avait beau être le type le plus méprisable du monde, mes yeux ne voulaient pas en regarder un autre que lui. A la fin du match, il me rejoint sur les gradins.
– T'es pas avec tes stupides potes ?
– Si, ils sont à côté de moi mais tu ne peux pas les voir, ils sont invisbles.
– Je veux mes bijoux..
– Je t'ai rien volé.
– Ne me mens pas.
– Moi je veux ma meilleure amie. Celle qui n'allait pas baiser tous les enfoirés comme toi juste parce que c'est marrant !
Il rit. Moi, je détournai le regard. Je pouvais le regarder des heures tant qu’il ne savait pas que je le regardais. Quand il me regardait, je ne pouvais pas me risquer à faire de même.
– Bon écoute, toi ou tes copains m'ont volé une bague. Il était à ma mère. Alors.. Gardez ce que vous voulez mais s'il vous plait, rendez-moi la bague.
Je ne l’avais jamais vu aussi poli. Cette bague.. Elle avait l’air de compter énormément. Je lui fis un signe de la tete pour lui dire que c’était d’accord, bien que je ne l’avais pas, cette bague. C’était sans doute Hanna qui l’avait. Il se leva, et avant de partir, se retourna vers moi et me lança avec un sourire provocateur :
– Au fait, ta copine, Hanna.. Elle est parfaite au lit !
Et il parti.
Je retrouvai Hanna, et malgré ma colère contre elle, je lui adressai la parole.
– Donne moi la bague de Chet.
– Quoi ? Tu ne me fais plus la tête, hein ?
– Si, toujours. Rends-moi la bague que tu as volé à Chet.
– Celle-ci ?
Elle me montra un anneau en argent orné d’un petit diamant. Dans l’absolu, la bague ne devait avoir qu’une petite valeur. Mais ce qu’elle représentait pour Chet avait l’air d’être bien au-delà de ça.
– C'est celle que t'as volé ?
– Oui.
– SAlors ça doit être ça. Donne la moi.
Sans poser de question, elle s’exécuta, et je la laissai plantée là, pas décidée à lui pardonner, même si pourtant, je n’avais aucune raison valable de lui en vouloir.
Plus tard, alors que la nuit était déjà tombée depuis longtemps, je sorti mon scooter et démarra, la bague au doigt (au sens propre du terme). Je garai mon scoot juste devant chez William, et sonnai. Il ouvrit, et à mon grand soulagement, il était seul.
– T'es la strip-teaseuse que j'ai appelé ya 10 minutes ?
J’esquissai un sourire, plus pour lui faire plaisir que pour la blague en elle-même.
– J'ai ta bague...
Je l’ôtai de mon doigt et la lui tendis. Je m’attendai à une autre blague comme “en principe, on met un genoux à terre pour ce genre de demande”, mais il n’en fit rien. Il parut soulager, et je tournai les talons pour retourner à mon scooter. Je n’entendis pas la porte se fermer, et je compris qu’il ne la femerait pas, que ça n’était pas comme ça que ça devait se finir. Je me retournai vers lui.
– Où est-elle ?
– Qui ?
– Ta mère..
Il mit un moment à répondre.
– Quelque part, j'imagine.
– Elle est partie ?
– Il y a six mois. Mais je suis pas trop inquiet, elle reviendra à la maison..
Il y avait quelque chose dans le ton de sa voix qui montrait bien qu’il n’en pensait pas un mot.
– Et... Ton père ?
– Dans un bar peut-être. Oh, lui, il reviendra pas.
– Tu... vis seul depuis six mois ?
– Non, des fois il y a des filles, tu sais..
Il sourit. Je souris aussi même si je n’en avais pas envie. C’était le moment où je devais vraiment retourner à mon scoot et le laisser ruminer sa peine, appeler sa strip teaseuse ou peu importe.. Mais je n’y parvins pas. Visiblement, il ne parvenais pas non plus à me dire au revoir et à fermer la porte. Je sentais qu’il me regardait fixement. Moi je n’osais toujours pas le regarder. Mais quand mon regard croisa enfin le sien, il rompit le silence.
– Je suis désolé... D'avoir couché avec ta meilleure amie.
– Oh, c'est bon t'en fais pas. Vous faites ce que vous voulez de toute façon.
– Non mais tu comprends pas.. Je l'ai fait parce que toi tu avais couché avec MON meilleur ami. Tyler. Tu vois ?
– Oui je me souviens. Mais je comprends pas...
– J'ai jamais réussi à t'avoir. J'ai eu toutes les filles de cette école, sauf toi.
– Alors quoi ? Tu comptes m'avoir ce soir ?
J’étais énervée.
– Non. Non, je sais que je t'aurai pas. Mais j'espère qu'un jour, j'y arriverai. Parce que, en réalité tu es la seule fille à qui je tiens vraiment. MErci pour la bague.
Il attendit que j’ai démarré mon scooter pour fermer la porte. Je crois que je ne me sentis jamais aussi c**** que cette nuit-là. Je n’en fermai pas l’oeil, pensant à ce que j’aurais pu faire, ce que j’aurai dû faire. Mais après tout, peut être que c’était mieux ainsi.
Pendant plus d’une semaine, je ne le vis pas, il ne se présenta pas en cours. Pendant beaucoup plus d’une semaine, je crois. Une routine inhabituelle s’était installée dans l’école, sans lui c’était différent, bizarre, pourtant il ne semblait manquer à personne autant qu’à moi. Plusieurs fois, j’eus l’idée de lui rendre visite chez lui, mais la peur de le trouver avec une autre fille me bloquait à chaque fois. Une fois, j’entendis ses potes parler de lui dans les couloirs, au moins, eux, ils avaient des nouvelles, comme ça, je savais qu’il était toujours en vie.. Le même soir, d’ailleurs, je me décidai à prendre mon scoot et à sonner à sa porte. Il était en caleçon quand il m’ouvrit, et je compris tout de suite que j’aurais mieux fait de ne jamais venir.
– Millie, wah ! Hum.. Je pensais pas te voir ici.. !
Clairement, il ne s’attendait pas à me voir. Ça ne m’étonna pas d’apercevoir la blonde pulpeuse de sa soirée passer derrière lui. Il ferma un peu plus la porte, pour ne pas que je la voie, mais c’était trop tard, puis il baissa la voix.
– En fait, ce.. N'est pas vraiment le bon moment.
– Ouais.. Je vois ça. Bon, je passais juste m'assurer que tout allait bien pour toi mais je vois que je n'ai aucune raisons de m'inquiéter alors..
Je tournai les talons. J’avais essayer de me contenir pour ne pas qu’il voie que j’étais mal, et je crois d’ailleur que j’avais réussi, mais à peine lui avais-je tourné le dos, que des larmes me montèrent aux yeux. Je soufflai un grand coup et avança vers mon scoot. J’étais tellement énervée, que je n’entendis pas les pas derrière moi. Il m’attrapa le bras et je me retournai d’un coup, sans le laisser dire un mot.
– C'est bon, j'ai compris, okay ? Je savais bien que tu me mentais en disant que tu tenais à moi. Je suis juste comme les autres pour toi. Juste comme elle. La seule différence, tu vois, c'est.. que je suis pas comme elles, William.
J’étais déçue, triste, en colère... Pourtant j’avais réussi à garder mon calme. A garder mon calme, mais pas à contenir mes larmes. Lui, il m’avait laissée parler sans me lacher des yeux, et il continua à me regarder sans rien dire quand j’eus fini. Il essuya une larme sur ma joue. Je n’osai toujours pas poser mes yeux sur son visage, de peur de perdre le controle.
– Où est-elle ?
Je le regardai sans comprendre.
– Quoi ?
– Où est-elle ?
– Qu.. Qui ?
– Ta mère.
– Elle.. Mais qu'est-ce que tu..
Il me coupa la parole.
– Réponds juste à la question, ya aucun piège !
Il sourit.
– Elle.. Elle est probablement très loin désormais. Elle est partie il y a un peu moins de deux ans.
– Et ton père ?
– ... Il est mort quand j'avais 3ans.
– Tu te rappelles pas de lui ?
– En fait, si. Dans le moindre détail.
– Tu vois, toi, tu as quelqu'un à qui te confier et à qui tu peux faire confiance. Tu as ton frère. J'ai personne. Je suis pas en train de dire que ça excuse tout. En fait, ça excuse rien... Mais je me sens seul chaque p***** de secondes de ma vie... sauf quand je suis avec toi.
Il marqua une pause. Il n’avait pas laché mon regard, pas une seule fois.
– je sais que t'es pas comme elles, Mil’. T'es tellement au-dessus d'elles... Tellement au-dessus de moi. Je suis pas venu en cours parce que j'avais peur... A propos de ce que tu ressentais pour moi. De ce que tu
ressens pour moi. Je suis un salaud. Et je sais pas ce que c'est que l'amour. Comment ça marche. Mais je veux apprendre tout ça Mil'. Et je veux l'apprendre avec toi.
A un moment dans son discours, j’avais réussi à plonger mon regard dans le sien, et je ne l’avais plus laché. Je ne savais pas quoi dire, qu’auriez-vous répondu à ma place ? Il attendit, voir si je disais quelque chose, mais aucun mot ne parvint à sortir de ma bouche.
– Millie, je viens pas de faire tout ce speech tout droit sorti des feux de l'amour pour te regarder partir sans rien répondre..
Je m’approchai lentement de lui, et prononçai enfin :
– Tu n'auras pas un mot de plus...
Et avant que mes lèvres aient atteint les siennes, c’est lui qui m’embrassa. Et tous mes problèmes, toutes les choses qui avaient de l’importance devinrent insignifiantes à ce moment. Même la pétasse blonde qui se trouvait chez lui n’avait plus aucune importance. Il se recula et me dit qu’il allait lui dire de partir. Je lui souris, puis lui demandai si, cette fois, il serait au bahut demain. Il m’affirma que oui, et je lui tournai le dos. Il ne bougea pas, me regardant partir.
C’était ça, William Chet.
Il arrêta ses conneries. Moi, je me réconciliai avec Hanna. Elle ne m’en voulut pas. Il ne fallut pas longtemps avant que tout le monde sache que William et moi étions ensemble. Bien sûr, je reçus des avertissements de millions de personnes contre lui, mais qu’est-ce qu’ils en savaient eux ? Je ne dormais plus dans ma chambre avec Hanna, car je passais toutes mes nuits chez lui désormais. C’est pour çà que quelques mois après, je décidai carrément d’emménager avec lui. J’avais à peine 17 ans. Et on avait toute la vie devant nous...
Si seulement... Le 4 mai 2007. Je me réveillai, après une nuit de plus à ses côtés. Ça faisait un peu moins d'un an qu’on était ensemble, et on s’aimait comme jamais. Enfin, c’est ce que j’ai fais la connerie de croire. Il ne dormait pas à côté de moi quand je me levai. Ça ne me suprit pas, ce n’était pas la première fois. Là où je compris, c’est quand j’ouvris le placard et que je n’y trouvai que mes affaires, et pas les siennes. Refusant d’admettre l’évidence qui se trouvait devant moi, je me dirigeai vers la salle à manger. Et ma pire crainte s’y trouvait. Un mot, une feuille de papier pliée en deux qui se trouvait sur la table... Typique. Ça me replongea quelques années en arrière, quand ma mère avait fait la même chose avant de partir. Je ne voulais pas le lire, mais je le lus quand même.
« But men are men ; the best sometimes forget. ». Rien d’autre. Je n’eus pas de mal à reconnaitre d’où ça provenait.. Le Roi Lear, de Shakespeare, qu’on avait étudié ensemble, juste quelques semaines auparavant. Il était parti.
Ce jour-là, je n’allai pas en cours. Ni les jours d’après. Ni plus jamais. Ce jour-là, je restai comme une folle, assise contre un mur, recroquevillée sur moi-même, à pleurer toutes les larmes de mon corps. Je ne faisais plus rien de mes journées, je ne sortais plus. Quand des gens frappaient, je ne leur ouvrais plus. Quand le téléphone sonnait, je ne répondais plus. Je mangeais que quand je le souhaitais, c’est-à-dire plus beaucoup. Pourtant, je n’ai jamais essayé de l’appeler, de lui envoyer un texto, de demander aux autres s’ils avaient eu de se nouvelles. Pourtant, tout au fond de moi, une infime partie de mon être espérait encore qu’il reviendrait, les croissants à la mains, s’excusant du temps qu’il avait mis. J’étais devenue une loque, un légume même, je n’étais plus rien. Le 10 aout, mon frère entra de force en défonçant la porte. je m'étonnais moi-même qu'il ne l'ait pas fait avant. Il me trouva dans la salle à manger, sur une chaise, regard dans le vide. Il me sauta dessus et me serra si fort que pour la première fois depuis le départ de William j'eus l'impression de ressentir quelque chose. Je lui rendis son étreinte.
Il m'aida alors à me laver, il me fit à manger, il resta avec moi et décida de rester dormir aussi. On ne parlait pas. Et au peu de questions qu'il me posait, je répondais par un silence. Quand il me mit dans mon lit, il vint s'asseoir à côté de moi et me regarda sans rien dire.
- J’ai peur de mourir.
Il ne parut même pas surpris que je parle enfin.
- ... Pourquoi ?
- Parmi tous ceux qui sont morts depuis la naissance de l’humanité, combien font partie de l’histoire ? Combien sont restés dans les mémoires de chacun, et combien ont traversé et continueront de traverser les époques ? J’ai combien de chances de faire partie de ceux-là moi ? Une fois que tu meures, tu meures. Et on t’oublie. J’ai peur de mourir parce que j’ai peur d’être oubliée. Comme si mon existence n’avait servi à rien. Comme des milliards de milliards d’autres existences...
- Tu peux entrer dans l’histoire, tu sais petite soeur. Fais quelque chose de ta vie, et crois-y jusqu’au bout.
- C’est fini ça. C’est pas le monde des fées ici, c’est le monde réel. J’ai cru en des tas de choses, et toutes ces choses ont échouées ou ont disparues à jamais. Je crois plus en rien maintenant.
- Crois en moi.
- Non.
- Pourquoi “non” ?
- Tu partirais toi aussi.
Le lendemain on partit pour les Etats-Unis. On y resta une semaine, et déclarant que je m'y sentais mal, on décida ensemble de prendre un billet pour Tokyo. Histoire de rompre en totalité avec notre vie d'avant. On était le 19 aout 2007, et si pour beaucoup ce jour s'avéra être un cauchemar, pour moi il fut une bénédiction.