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Israël-Maëlys D. Jakarta
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(israël&mississippi) + où le vent souffle 1469055842-sigmvill
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Message(#) Sujet: (israël&mississippi) + où le vent souffle (israël&mississippi) + où le vent souffle EmptyDim 18 Jan - 17:42

✈ ISRAEL & MISSISSIPPI
où le vent souffle

Tu passes rageusement la main sur ton visage, arrachant les larmes à tes yeux avant qu’elles ne coulent sur tes joues. Tu balances ces gouttes salées au loin, tandis que déjà ta vue redevient floue, de nouveau troublée par les fruits de ta rage et de ton affliction. Tu te prends le pied dans une racine et alors tu t’étale lamentablement dans la poussière, et alors les larmes deviennent cris, cris de haine et de douleur, cris qui n’en finissent plus de résonne dans l’infinité de l’Ile, loin de tout. Tout autour d’elle, des rires. Moqueurs, railleurs, ils résonnaient douloureusement dans la tête de la jeune hostile qui, pleine de boue et couverte d’égratignures, ne souhaitait qu’une chose : retourner dans le trou dont on venait de l’extirper. Gardant les yeux obstinément fixés sur le sol, elle n’osait même pas regarder Tina, sa meilleure amie, qu’on venait également de sortir de piège qu’elles avaient elles-mêmes creusé. Déjà elle sentait le rouge lui monter aux joues, déjà elle sentait les larmes lui piquer les yeux. Mais, serrant les poings pour ne rien montrer, elle continue de fixer ce brin d’herbe qui ondoie au gré du vent. Encore une fois, elle a tout raté. Ce qui aurait dû devenir le plus beau et le plus mémorable des pièges était devenu l’objet de toutes les moqueries. Et, lorsque l’hilarité aura fait place à l’exaspération, l’objet de toutes les humiliations. Et voilà que, tandis qu’elle ruminait sa mésaventure et son incompétence, un murmure goguenard la fait sursauter. « T’aurai pu me le dire que t’aimais dormir dans des terriers, je ... ». Sans même le laisser terminer, elle fait volteface et, rageuse, le repousse, refusant d’entendre ses railleries une seconde de plus. Dès l’instant où elle avait posé le pied sur la terre ferme, il ne l’avait plus lâché, profitant sans aucun doute du fait qu’elle était incapable de lui répondre quelque chose de cohérent. Et dans ces instants-là, elle le haïssait autant qu’elle l’aimait. Et voilà que la colère s’ajoute à la honte, que la rage se joint au désarroi. A l’instant même où elle vit qu’il allait reprendre la parole, elle s’exclama : « Laisse-moi tranquille, Caleb ! T’en as pas marre de me harceler ? ». En étant honnête, c’était plutôt elle qui passait son temps à le poursuivre, mais elle refusait de l’admettre. Et alors, tandis que les rires commençaient déjà à se calmer et que les grands se préparaient à morigéner les deux jeunes filles, tandis que Tina cherchait à croiser son regard en espérant la voir arranger la situation d’un claquement de doigts, tandis que Caleb semblait chercher une nouvelle phrase pour la faire sortir hors de ses gonds, Israël décide de tout lâcher, une fois de plus. D’abandonner, tout simplement, parce que c’était ce qu’il y a avait de plus raisonnable à faire. Alors sans tenir compte de tous ces regards posés sur elle, moqueur, confiant ou irrité, elle tourne les talons et s’éloigne en courant dans la jungle, attendant de ne plus rien entendre avant de laisser les larmes faire leur petit bout de chemin sur ses joues poussiéreuses, honteuse et irritée.

Tu sais même pas où tes pas te conduisent, tu sais juste que tu cours et que tu fuis. Que tu fuis les rires et les cris, que tu fuis les regards déçus et moqueurs, que tu fuis tes modèles auxquels tu ne parviendras jamais à ressembler, que tu fuis une amie qui a su briser la carapace que tu avais mis tellement de temps à ériger, que tu fuis un adolescent que tu aimes et que tu détestes en même temps. Que tu fuis, tout simplement, tout ce que tu n’es pas encore. Sans même s’en rendre vraiment compte, elle avait pris le chemin qu’elle empruntait tellement souvent, quand elle avait besoin d’être seule, quand elle ne supportait plus la compagnie des autres et quand elle avait besoin de s’apitoyer sur elle-même sans avoir à supporter les regards dédaigneux des grands hostiles. Habituellement, rien que le fais de marcher suffisait à l’apaiser, mais aujourd’hui sa course était trop saccadée, ses larmes étaient trop abondantes pour lui permettre de se calmer. Plusieurs fois elle trébucha, et plusieurs fois elle resta prostrée sur le sol, arrosant copieusement la terre de ses larmes, avant de se relever et de se remettre en chemin, sans même prêter attention à ce qui l’entourait. Elle ne songeait plus à rien, elle se répétait juste inlassablement qu’elle était nulle, bonne à rien, inutile, insignifiante. Elle était persuadée qu’elle pourrait rester des mois dans la jungle sans jamais manquer à personne. Elle était convaincue qu’ils seraient même bien contents de s’être débarrassé d’elle, qu’ils ne mettraient pas longtemps avant de jeter tout ce qui lui appartenait avant de passer à autre chose. Peut-être qu’Olivia et son jumeau seraient tristes les premiers jours, avant de se rabattre sur Tina qui deviendra sans doute leur nouvelle baby-sitter préférée. Penser à sa meilleure amie suffit à accentuer son sentiment de honte : elle venait de laisser tomber la seule personne qui acceptait de la suivre dans ses aventures, alors qu’elle aurait dû rester avec elle pour qu’elles subissent ensemble la colère de leurs ainés. Et qu’avait-elle fait ? Elle s’était enfuie, lâchement, comme l’aurait sans doute fait n’importe quel rescapé. Elle ne valait pas mieux que ceux qu’elle considérait comme des idiots finis. Que disaient-ils d’elle, là-bas, que pensaient-ils ? Ricanaient-ils ou étaient-ils effarés de la voir déguerpir ainsi ? Sans doute un peu des deux. Caleb et Sydney étaient sans aucun doute en train de s’esclaffer ensemble tandis que les plus âgés se demandaient ce qu’ils étaient censés faire d’elle à son retour. Car elle le savait aussi bien qu’eux : elle finira bien par retourner au campement, incapable de se résoudre à rester seule très longtemps. Elle avait besoin de vie autour d’elle, besoin qu’on lui dise ce qu’elle devait faire, car elle n’était pas fichue de prendre des initiatives judicieuses. Elle n’avait jamais été très indépendante, et avait besoin des autres pour se sentir exister. Et puis, elle n’était qu’une incapable, comment pourrait-elle survivre seule, puisqu’elle n’arrivait même pas à sortir seule d’un trou ?

Tu vois le pont au loin, qui tangue au gré du vent. Et t’entends l’eau qui rugit en-dessous, prête à engloutir celui qui tomberait dans la rivière. Tu sais pas si c’est le lieu d’un nouveau départ ou tout simplement le point d’arrivée. Tu te dis que t’en as marre de toujours en revenir au même stade, de ne pas réussir à avancer, de tourner en rond. Tu te dis qu’il te suffirait que d’un faux pas pour arrêter cette boucle infinie. Il te suffirait de pas marcher au bon endroit. Pendant un instant, elle marque un temps d’arrêt. La main posée sur la corde usée par le vent et le temps, elle hésite avant de poser le pied sur la première planche à moitié rongée par l’humidité. Elle vient si souvent ici qu’elle sait exactement quelles planches sont trop fragiles, lesquelles risquent de s’effriter au moindre contact. Elle sait lesquelles peuvent encore supporter son poids sans danger, m ais elle sait aussi qu’au moindre instant le vent peut déstabiliser le fragile édifice. C’est pourquoi, à chaque fois qu’elle s’aventure sur le pont, elle sent son cœur battre un peu plus vite tandis que l’excitation cohabitait avec la nervosité. Parfois, elle regarde en bas, la rivière qui s’agite, et elle se demande ce que pourrait ressentir celui ou celle qui tombe et plonge dans le torrent. Aurait-il la sensation de s’envoler, de flotter dans le vide, ou tout simplement celle de tomber sans rien avoir pour se retenir ? Elle secoue la tête, se contenant de surveiller où elle posait les pieds, testant chaque planche avant d’avancer. Elle essaye de ne penser à rien d’autre mais elle n’y parvient pas, et toute la honte qu’elle a accumulé depuis des semaines rejaillit sans qu’elle n’arrive à l’arrêter. Arrivée au milieu du pont, elle s’arrêter et, délicatement, pour ne pas déséquilibrer la passerelle, elle s’assit au bord d’une des planches, gardant une main sur la corde servant de rambarde. Elle pouvait rester là des heures, sans rien faire d’autre que de ruminer ses multiples erreurs, ses innombrables maladresses et ses plus grosses bêtises. Seule, sans que personne ne vienne la déranger avec des « arrête tes caprices » ou des « c’est pas comme ça que tu vas avancer ». Sans que personne ne fasse semblant de s’intéresser à elle et de la comprendre. Elle ne voulait pas de leur fausse gentillesse, ni de leur brusquerie. Elle voulait juste qu’on la laisse tranquille, parce qu’il n’y avait que comme cela qu’elle parvenait à remettre un peu d’ordre dans ses idées. Qu’elle parvenait à se remotiver pour quelques semaines, jusqu’à ce qu’un nouvel événement ne la fasse de nouveau plonger dans les méandres de la déprime. Jusqu’à ce qu’elle se demande de nouveau ce que ça ferait au monde, si un faux pas ou le vent l’entrainait dans l’eau qui s’agitait des mètres plus bas. Jusqu’à ce qu’elle revienne de nouveau sur ce pont, solitaire. Mais voilà que le pont s’agite, est-ce le vent, ou bien est-ce quelqu’un qui s’avance sur ce pont qu’Israël commençait à considérer comme sa propriété ?
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