(#) Sujet: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems) Mar 25 Fév - 17:53
abel & emma
Ya des jours comme où il y arrive pas. Ou c'est plus fort que lui. Les souvenirs remontent en masse et avec eux les regrets, la culpabilité de tenir ce foutu silence. Alors Abel, ça le prend des fois, d'être désagréable. D'être un vrai pourri avec sa sœur, alors que c'est pas lui. Lui, c'est celui qui lui effleure tendrement le sommet du crâne quand elle passe pas loin, c'est celui qui rit à toutes ses blagues et qui la trouve même beaucoup plus drôle qu'elle n'a l'impression de l'être. Abel le plus souvent, il est fier d'avoir une sœur comme elle, une petite fée blonde à protéger. Même si ça, c'est le rôle du petit dernier. Aujourd'hui il y arrive pas. Il a été horrible avec Emma, toute la journée, et là, il a craqué. Ça le tue de la regarder sourire, jouer et rire, vivre parmi eux comme si elle était des leurs alors qu'elle l'est pas. Le pire c'est peut-être qu'en plus, il le pense, ça. Cette poupée là, c'est pas une Monroe. Elle l'a jamais été, et elle le sait même pas. Ça peut plus durer, un de ces jours il va être obligé de le leur dire, à tous. A elle, à Cain, à Cléante. Avouer le pire des mensonges par omission de l'histoire des Monroe. Mensonge perpétré par lui et lui seul. Combien de fois il aurait pu le leur dire. Combien de fois il aurait pu changer tout ça. Une des raisons de son silence, c'est peut-être parce que dans le fond, Emma, c'est sa sœur, et qu'il refuse de le changer, justement. Nombreuses ont été les fois où ça n'a pas été aussi simple que ça, ou il se retrouvait confronté à elle sans savoir quoi faire, à presque s'en vouloir de ramener sa copine du moment à la maison. Toujours dans ces moments là, il se sentait presque honteux. Un drôle de sentiment de trahison. Et puis elle a jamais aimé ses copines Emma. Elle a toujours été la pire des pestes avec elles. Une vraie garce alors que ça non plus, c'est pas elle. Abel a été cassant avec elle. Il sait plus pourquoi, à quel sujet, de quand, ou, comment. Elle avait rien demandé, et c'est sorti comme ça, de nulle part, la remarque acerbe qui voue cloue le bec et qui vous fait vous la fermer en ouvrant des yeux ronds. Abel se souvient encore du silence gêné après son coup d'éclat, du silence évocateur, de ce « p***** qu'est-ce qui te prend » silencieux, tu par les frangins. Et puis il se souvient de son départ, et du regard accusateur, sondeur, des deux garçons. Maintenant, il s'en veut. A mort. Il a bien vu qu'elle a été blessée mais il a été incapable de s'excuser. Pas sur le moment. Et puis à force de patauger dans son regret, il a fini par se bouger : aller la chercher. Emma, ou est-ce que t'es. Il a une petite idée de la question, c'est pas comme s'ils ne s'étaient jamais retrouvés là-bas, à regarder les trombes d'eau cascader. Aujourd'hui, ce n'est qu'un minable petit filet qui clapote gentiment en tombant dans le lac à ses pieds, mais il s'en fiche parce que tout ce qu'il voit, Abel, c'est la nymphe qu'il était venue trouver. Elle est assise face aux chutes d'eau, et elle lui tourne le dos. On dirait une petite poupée blonde qu'on aurait posée là par hasard, parce qu'elle est jolie, parce qu'elle est lumineuse, et qu'on a envie de la regarder pour toujours agiter ses pieds dans l'eau gelée. Abel sait qu'il l'a entendu arriver, on la surprend pas Emma. Il vient s’asseoir à côté d'elle, tout près, pas assez pour la toucher, pas assez pour la gêner. Il la laisse dans sa bulle en gardant juste assez de distance pour lui faire comprendre que, si t'as envie Emma, viens dans la mienne, viens dans mes bras. Il regarde son profil dessiné au pinceau, son visage délicat, obstinément fermé. Elle a l'air contrariée, presque peinée. « Emma, j'suis désolé. Ça m'arrive des fois, j'sais pas pourquoi. » il souffle, et il pince les lèvres, le demi-mensonge suspendu entre eux ; il sait très bien pourquoi, et c'est ça qui est si dur. Elle comprendra de quoi il veut se faire pardonner. Elle comprendra que ses « des fois », y'en a assez. Qu'il veut plus être comme ça, mais bon sang, si elle savait ce que ça lui coûterait. Il faudrait qu'il lui dise tout. Viens Emma, viens, on fait la paix.
(c) lumos maxima
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(#) Sujet: Re: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems) Mar 4 Mar - 1:24
Abel, t'es fatiguant aujourd'hui, tu sais. Je sais pas ce que je t'ai fait, pour que tu sois comme ça, mais ça m'énerve, j'aime pas. Emma fait semblant de pas le voir, elle l'ignore, ferme les yeux pour cette fois. Cette fois de plus, cette fois de trop. Elle continue à rigoler, elle continue s'amuser, et si c'est sans Abel, tant pis, Cain et Cléante sont toujours de la partie. Cain son bonheur, Cain son soleil. Son pincement au cœur, sa douce merveille. Et Cléante, Cléante son second, sa moitié, le grand garçon un peu écorché. Alors si Abel est pas là, c'est pas grave, il viendra plus tard, quand il aura fini de rouspéter, de maugréer. Parce qu'il fait que ça depuis ce matin, Monsieur est d'une humeur de chien, et comme d'habitude c'est Emma qui en fait les frais. Emma aussi, elle pourrait gueuler. Tous les jours, déjà, elle veut hurler au monde qu'elle peut plus danser. Qu'elle dansera plus jamais. Ça la rend folle. Ems avait gagné son école, mais elle n'en a jamais vu la couleur, pas d'bol. Emma l'ascension, la chute, la déception. Alors qu'il vienne pas la faire ch*er, ni lui ni un autre, ni aujourd'hui ni jamais. Emma mérite pas ça. Enfin, elle croit. Si elle savait, encore, ce qu'elle avait loupé, ce qu'elle avait foiré, pour se manger ses réflexions désobligeante en plein nez. Mais Abel se tait, il se contente de grogner. Et son cœur, dans sa poitrine, se contente de cogner. J'croyais qu'on était frère et sœur, j'croyais qu'on n'avait aucun secret, qu'on pouvait parler, à n'importe quelle heure. Mais si le grand frère veut se taire, la petite sœur fera pareil. Elle fera comme si. Comme si c'était rien. Comme si ça la touchait pas, et puis d'ailleurs, ça la touche pas, pas vrai Emma ? Ils sont tous les trois. Les trois benjamins, l'aîné est plus loin. Assez pour pas la déranger, mais suffisamment pour pouvoir les écouter. Emma pose une question, une question débile, style « est-ce qu'un ballon, c'est rond ? » sauf que c'était pas ça, c'était quand même un peu moins con, un peu moins couillon ; enfin, dans l'esprit, c'est ça : une question bête dont tout le monde connaît la réponse sauf Emma. Et puis Abel s'insurge, Abel explose, c'est limite s'il la traites pas d'imbécile. p*tain, c'est pas facile. Elle est là, pétrifiée, sourcils froncés, yeux grands écarquillés ; un miroir de ses frères, qui sont pareils à côtés. Excuse-moi Abel. Vraiment, j'ai pas fait exprès. C'est pas ma faute si y a des trucs que j'ignore, c'était pas volontaire, j'ai pas voulu t'énerver. Et puis ouais, c'est ça, barre-toi. C'est sûrement mieux comme ça.
Pourtant là, Emma, elle a plus envie de jouer. Cette fois-ci, c'était pas la première, et sans doute pas non plus la dernière. Cléante brise le silence « Ça va ? Tu veux que j'aille lui parler ? » Non c'est bon, t'embête pas. Laisse le rechigner, laisse le s'en vouloir, pour l'instant, Emma veut pas le voir. Elle s'éloigne, va ressasser le passé, les moment avec lui qu'elle a passé, ceux où il était drôle, jovial, gentil. Heureusement, y en a beaucoup, Abel est pas souvent méchant. Sauf que quand il l'est, c'est toujours sans raison, toujours dans le vent. Ce serait plus simple, Emma, tu sais, s'il avait pas à te le dire, si tu pouvais le deviner. Elle est pas c*nne, quelque part, parfois, elle le sent, parfois, elle le sait. Jamais consciemment, non, ça, même en rêve, elle pourrait pas l'imaginer. Mais elle se l'est déjà dit plusieurs fois, Emma, que peut-être elle était pas à sa place ; c'est pas Abel qui brisera la glace. Faut pas s'attendre à ce qu'elle le sache. Mais t'en fais pas, Emma, pour l'instant n'y pense pas, c'est pas la peine, tu le sais, qu'il a aucune haine, pas envers toi. Emma et Abel, Abel et Emma. Ce lien, y a aucune dispute qui le brisera. Aucune révélation, aucune vérité, aucun mensonge depuis longtemps oublié. Pas vrai? Pas vrai, Abel, que tu m'abandonneras jamais ? Abel son frère. Pour de vrai. Le plus beau. Le plus grand. Le plus fort. L'homme parfait. Celui à qui tous les hommes devraient ressembler. Abel il t'aime, et toi aussi tu l'aimes, Emma. Te protéger, Abel, il sait faire que ça. Elle le sait, Em, qu'elle va pas lui en vouloir à vie, elle va même pas lui en vouloir une nuit. Il suffit qu'il arrive, là, maintenant, qu'il lui dise pardon, c'est ce qu'il fait tout le temps. Et puis c'est bon. Viens Abel, Viens. Je t'attends. J'suis à la cascade, là où on va, à chaque fois. Elle ferme les yeux, un, deux, trois, il est là. Elle le regarde pas. Pas encore, pas déjà. « Emma, j'suis désolé. Ça m'arrive des fois, j'sais pas pourquoi. » Ouais, c'est ça. Il manquait plus que ça, un frère cyclothymique, lunatique, bipolaire. Alors quoi, c'est ça ? Des fois, il pète des câbles, et personne sait pourquoi. Elle tourne la tête vers lui, toujours un peu vexée. « Mais moi non plus, Abel, je sais pas pourquoi. J'peux pas t'aider. » Mais p*tain Emma, si tu savais. « Par contre, va falloir penser à arrêter. Parce que c'est chiant. Qu'est-ce qu'il y a, j'ai fait quelque chose qui t'a pas plu ? Tu sais que tu peux me le dire si c'est le cas. » Et il lui dira quoi ? Y a des choses qu'on peut pas dire, Emma. Y a des choses qu'on doit garder cachées, enfouies, toute la vie. Va falloir l'aider. Parce que d'elle même, elle peut pas le soupçonner.
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(#) Sujet: Re: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems) Sam 6 Déc - 23:39
Je suis désolé Emma. Désolé d'avoir à t'apprendre une telle chose. Désolé que tu aies à le savoir. Parce que tu sauras, ma douce, tu sauras, bien malgré toi. Car avec toute ma bonne volonté, je ne peux pas, je ne suis pas capable de le garder encore longtemps ce secret envenimé. Au fond de lui il sait qu'une telle révélation est capable de briser non seulement leur amitié, mais bien plus. Elle pourrait diluer à jamais l'essence même de leur famille, cette fratrie qu'il s'est efforcé de maintenir soudée et aussi proche de lui que possible. Le crash lui-même n'a eu raison d'eux. Cette simple vérité tue depuis des années en aurait le pouvoir, il le sait. Le problème a été retourné des millions de fois, dans tous les sens, mais aucune solution valable de lui est venue à l'esprit. C'est comme garder un poison que l'on sait mortel dans son sang sans lever le petit doigt. Un digne sacrifice en somme ; il serait stupide et inconsidéré de le lui dire, Abel, tu le sais. Emma n'a pas besoin de le savoir. Alors pourquoi, pourquoi ce sentiment d'urgence, d'impatience. Tôt ou tard, il sent que la vérité nue éclatera aux yeux de tous, et qu'il sera le seul à blâmer pour cette erreur. Et pour quelle raison laisserait-il un tel scandale s'ébruiter et tout détruire ? L'éducation ? La culpabilité ? Autre chose. Quelque chose d'inavouable, une colère sourde dirigée vers lui-même, vers elle, vers ces sentiments improbables qui surgissent de nulle part lorsqu'il la contemple comme il le fait à présent. Emma la douceur incarnée. Emma la peau douce, les lèvres rosées. La délicatesse dans toute sa splendeur. Comment a-t-il pu avoir envie de détruire quelque chose d'aussi beau plus tôt dans la journée. Il goute sur sa langue la saveur amère du regret et la torture silencieuse du remord sans chercher à les éviter, subissant tout cela comme la simple récompense de son comportement odieux de la matinée. Elle soupire qu'elle ne peut pas l'aider, et, il lui prend de songer : si seulement c'était vrai, Emma. Si seulement tu savais (mais tu le sauras, ne t'inquiètes pas). Abel pince les lèvres, envoie son regard s'échouer quelque part à ses pieds quand elle reprend la parole. Soupir.
Viens, viens Emma, tout contre moi, comme quand on était là bas, sous les étoiles de Caroline et que je te racontais des histoires. Comme quand t'étais encore cette enfant si innocente, si passionnée, t'étais heureuse pas vrai, et je l'étais aussi en ce temps là. Je n'avais pas encore pris conscience de ce qu'on était en train de te cacher. Mais ce temps est révolu, il est parti en fumée, envolé.
Doucement, il se rapproche d'elle et entoure ses épaules d'un bras. Elle lui oppose une légère résistance, mais comme il l'espère, elle finit par céder. Parce qu'il y a mis toute la douceur dont il est capable, parce qu'il lui montre par ce simple contact que, Emma, c'est toujours moi ; je suis Abel, juste Abel, pas cet affreux que j'ai été toute la journée. Je suis moi-même, et je suis moi avec toi, soit, le meilleur de ce « moi ». « Tu sais bien que c'était pas à cause de toi » -menteur- « Que des fois, je rumine. Je pense à des choses stupides, qui me rendent malade. Mais c'est pas à cause de toi. » Finalement, c'est un petit peu vrai. Ce n'est pas sa faute, à Emma, si elle ne sait pas. Abel pose sa tête sur celle de sa sœur, et puis il murmure tout bas, comme s'il avait peur qu'elle comprenne la vérité avant même d'en avoir parlé. « C'est contre les parents que je suis en colère, tu sais. J'y repense tous les jours, chaque minute de chaque journée, et je leur en veux. Enormément. »
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(#) Sujet: Re: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems) Ven 6 Fév - 18:31
Elle a envie de demander « pourquoi ». Elle brûle d’envie de demander « pourquoi ». Mais elle le fait pas, non, elle le fera pas. Y a quelque chose d’invisible, d’inconscient au fond d’elle, qui le lui interdit. Qui lui dit qu’il faut pas, qu’elle n’a pas envie de savoir. Emma, t’as vécu dans l’ignorance toute ta vie, alors tu vas continuer, d’accord ? Parce que t’as même pas à savoir. C’est trop lourd pour toi, c’est limite si ça ne te regarde pas. Alors elle lève un peu les yeux au ciel. Parce qu’elle préfère se dire qu’il se trouve des excuses pour ses propres erreurs, même si c’est pas complétement vrai. Abel, il garde juste le secret. Abel il a toujours gardé le secret, lui tout seul, il a jamais partagé son fardeau, et Emma elle le sait bien, quelque part, que s’il dit rien, c’est pour elle, c’est pour son bien. Abel c’est quelqu’un de bien. De trop bien pour elle et de trop bien pour n’importe qui. Elle se force à se dire ça, des fois. Des fois, elle pense « je l’aime comme un frère » et ça lui fait toujours bizarre, sur le coup, de se dire ça, alors que c’est censé être évident. C’est son frère, alors pourquoi elle se fait la réflexion ? Comment elle devrait l’aimer ? Comment elle pourrait l’aimer autrement ?
Elle sourit, casse un peu leur étreinte pour le regarder mieux, pour le regarder plus. Cette perfection de frère dont l’existence l’agace, dont l’existence l’apaise. De quoi tu parles, exactement, ça ne sort pas de sa tête, mais ça ne sort pas de sa bouche, non plus. Elle se persuade, Emma. Il parle de l’agressivité de Papa, de la passivité de Maman. Il parle de quand il est parti, quand il est revenu, de leur réaction, de toutes leurs réactions, pour tout ce qu’ils ont fait depuis leur naissance, leurs regards désapprobateurs sur les choix de Cléante, leurs jugements véhéments sur l’étrangeté de Caïn, et puis la façon dont ils avaient l’habitude de poser les yeux sur lui, Abel, le bel Abel, celui qu’on aime plus que les autres, auquel on n’ose rien reprocher. Emma a tout hérité d’eux. Elle a hérité de ça, aussi. « Je sais. Moi c’est pareil. » Parce qu’au final, ça lui a pesé. Elle aussi, elle leur en veut ; elle aussi les blâme de tout. Mais non Emma, c’est pas pareil, et t’en sais rien. « Mais on est loin d’eux maintenant. »
Elle écarquille un peu les yeux, face à ce qu’elle vient de dire, elle se dit qu’elle a parlé un peu vite, ça la choque elle-même. C’est pas exactement ce qu’elle voulait dire. Pourtant, elle a rien dit de grave : c’est vrai. Loin d’eux pour toujours, parce qu’on partira jamais d’ici. Et c’est pas grave, elle pense tout bas, parce qu’elle est avec ceux qui comptent le plus, qui comptent vraiment. Plus de Caroline, plus que Charleston. Plus de Papa, plus de Maman ; mais c’est pas important. Alors elle se reprend un peu « Faut que tu trouves un moyen de les pardonner. Tu peux pas continuer à leur en vouloir, plus maintenant. Ils nous croient morts, j’imagine. Moi, je leur ai pardonné. » Les années de pressions, d’insistance pour l’excellence, de haine de l’autre, de bêtise, d’idiotie, de mépris, de malveillance. Elle a même oublié la danse, Emma. Elle peut plus danser, de toute façon. Et ça, c’est pas vraiment la faute des parents. Alors elle pardonne le reste, parce que le pire, c’est pas leur faute. Moi, j’ai tout oublié.
Et puis elle se lève, attirée par le chant de la chute d’eau qui claque sur le plat. Et elle lui tend la main. « Tu viens nager ? Moi en tout cas, j’y vais. »
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(#) Sujet: Re: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems) Lun 9 Fév - 23:10
Abel sourit, un sourire un peu triste, un peu désolé, parce qu'il s'est toujours pas exprimé clairement. Qu'il aurait pu expliciter un peu sa rancœur, sa colère. Ses regrets. C'est bien beau d'être loin d'eux, ça change rien à ce qu'ils ont fait. « T'as raison. » il répond, simplement, en entortillant une mèche de ses cheveux blonds autour de son index. Abel n'était qu'un bébé, il n'était pas en mesure de comprendre alors, les raisons qui poussaient Tucker et Georgia à ne pas dire la vérité à leurs garçons. Mais en grandissant, elles restaient toujours un mystère, il lui était venu à l'esprit qu'ils cachaient tout ça pour une mauvaise raison. Qu'ils ne faisaient pas cela pour protéger Emma, pas comme lui, mais qu'ils l'avaient fait dans leur propre intérêt, sans se soucier du bambin tout neuf qu'ils ramenaient à la maison. Nombre de fois, il s'était demandé d'où elle venait vraiment, si ses parents biologiques l'avaient confiée volontairement aux Monroe, où si elle avait été trouvée sur le pas de l'Eglise ou derrière une poubelle (empaquetée dans une couverture rose comme dans les dessins animés), si c'était pour cette raison que Tucker et Georgia s'étaient bien gardés de leur expliquer comment leur petite sœur était arrivée là. A condition qu'ils aient vraiment existé, ses parents. Il avait bien du y en avoir à un moment, non, alors où étaient-ils passés. Il avait imaginé un nombre incalculables de scénarios tous plus fous les uns que les autres. Il avait rêvé sa sœur comme une petite héroïne de son propre conte, histoire à laquelle il ne se plaçait qu'en tant qu'observateur. Abel n'était jamais acteur dans ces hypothèses, comme s'il n'avait pas l'impression de faire réellement partie de sa vie, de son avenir. Pourtant, les années avaient prouvé le contraire, à maintes reprises. Emma faisait partie de lui tout comme il faisait partie d'elle, liens du sang ou pas, et rien ne changerait cela. Rien. Aussi reste-t-il à espérer que l'issue du conte sera la bonne, qu'il ne sera pas celui qui fait pencher la balance du mauvais côté. C'est de ça qu'il a peur Abel, qu'elle le haïsse d'avoir fait basculer sa vie, de lui avoir tout dit alors qu'elle ne voulait rien savoir. C'est vrai Emma, si ça se trouve tu ne veux pas savoir. S'il souhaite parler, c'est pour lui, et lui seul. Abel, sois honnête. Réfléchis. C'est pas le truc à faire. Mais je ne peux pas garder ça plus longtemps, c'est trop lourd. « Faut que tu trouves un moyen de les pardonner. Tu peux pas continuer à leur en vouloir, plus maintenant. Ils nous croient morts, j’imagine. Moi, je leur ai pardonné. » Leur pardonner. Se pardonner. Abel pousse un long soupir en observant distraitement une mèche de ses cheveux blonds voleter au coin de son œil droit. Peut-être qu'elle a raison, Emma, que ce serait plus simple comme ça. Être en colère contre eux n'a jamais rien changé, que ce soit pour une punition injuste ou l'oubli de l'anniversaire. Ce n'est pas comme s'ils en avaient eu quelque chose à faire de leurs déceptions, à ces pauvres gosses. Quand ils avaient de la chance, Georgia lui caressait la joue et lui embrassait le front en lui disant de faire en sorte que les petits arrêtent de geindre, ou de pleurer. Quand ils avaient de la chance. La plupart du temps, elle se contentait d'avaler un médoc avant de s'enfermer dans sa chambre. Et c'était toujours, toujours à lui d'aller rassurer les petits, de les consoler, de leur dire que ce n'était pas un oubli, que maman y penserait demain, quand elle serait moins fatiguée. Jusqu'à ce qu'ils pensent à autre chose. Pourquoi t'en fais pas autant maintenant, pourquoi faut que tu te sentes obligé de tout casser. Elle est tranquille Emma, elle est sereine, là.
Emma se relève et l'arrache à ses souvenirs, lui propose de nager. Ça lui provoque un rire, il secoue la tête. « Vas-y sans moi, l'eau est trop froide » Il a besoin de garder les idées claires, Abel, et il a besoin qu'elle ne soit pas trop absorbée par la conversation. Pas trop, mais un peu quand même, juste comme ça. T'as eu la meilleure idée du monde, Emma, merci de m'aider à piétiner notre belle amitié. Il enlève ses chaussures qui pose soigneusement à côté de lui et il vient simplement s'immerger jusqu'aux chevilles pendant que sa sœur affronte les températures glaciales des cascades hivernales. « Ems ? » il commence par dire, pour attirer son attention, pas trop sûr de comment continuer. De comment lui avouer. Il l'attrape au passage comme on pêcherait un poisson dans une rivière, lui fait signe de rester dans le coin, de l'écouter. « Il faut que tu m'écoutes deux secondes. J'ai quelque chose sur le cœur. Et c'est vraiment pas facile à dire, tu comprends. Donc il faut vraiment que tu m'écoutes. » Et là, il sent que c'est le moment. Il pense pas un seul instant qu'elle risque de crever de froid là où elle est, à l'écouter raconter. Il arrête de se demander s'il doit attendre, s'il doit le lui dire, si finalement non, si ça ne sert à rien. Lui aussi il se jette à l'eau, à sa façon. Inspiration. Les yeux dans les yeux. Les poings serrés dans les poches du pantalon. « Papa et maman ne te l'ont jamais dit, ni à toi ni à Caïn ou Cléante. Ils ne me l'ont même pas dit à moi, à vrai dire. Ils ne nous ont jamais dit qu'un jour tu es arrivée, juste comme ça, alors qu'elle portait déjà Caïn dans son ventre, mais je m'en souviens parce que j'étais là quand papa t'as ramenée à la maison. » Attentif au moindre changement sur le visage de sa sœur, Abel veille à garder le contact visuel, pour l'assurer de sa sincérité, pour s'excuser aussi de ne pas savoir mieux lui dire les choses. Il a l'impression de parler à un bébé, il pourrait tout aussi bien lui dire que « Emma tu as été adoptée », c'est une grande fille maintenant, mais ça lui semble trop brutal, trop direct. Trop sec. Il ne veut que la préserver encore un peu de la méchante réalité en amenant les choses en douceur, toujours, toujours la protéger. « Il fallait que je te le dise. Je suis désolé si j'ai été odieux avec toi. C'était pas de ta faute tu vois, je pouvais juste plus garder le secret pour moi. »Je suis désolé. « Il fallait que je te le dise » il répète, un peu plus bas. Tu comprends pourquoi c'est si dur de leur pardonner, maintenant ?
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(#) Sujet: Re: ton sourire est la plus belle des philosophies (ems)