On a tous le choix. Le choix d'oublier ou de se remémorer nos souvenirs. Ce choix, Dexter ne le prend pas au pied de la lettre. Il y a des jours où sa vie en Australie peut ressembler à un rêve, quelque chose qui n'a jamais existé. Et des jours, comme celui là, où la réalité vient se poser sans gêne et fortement dans son esprit. Elle se propage dans tout son corps et la culpabilité ressort. Le vrai Dexter est lâché et c'est tout bêtement à cause d'un sms de son frère que tout a commencé. Car la journée s’annonçait si bien et si calme. Il savait qu'il aurait du éteindre son téléphone. Ayant pris un forfait lui permettant d'émettre et de recevoir appels et sms de son pays, le jeune homme gardait le contact avec ses amis comédiens. Il n'avait juste pas pris en compte le fait que son frère avait toujours son numéro. Son frère. Rien que de penser à lui, des frissons d'horreur se rependait sur sa peau, hérissant les poils de ses bras. Sa véritable personnalité lui hurlait de se terrer, comme quand il était petit, de se coucher et se mettre en boule, en oubliant que le monde autour de lui était réel. Mais pas aujourd'hui, se dit Dexter. Prenant son manteau en cuir, son écharpe et son violon à la hâte, il se rue dans le parc, à quelques encablures de là. Le chemin fait en quelques minutes, le jeune homme n'adresse ni la parole, ni ne regarde, à personne. La paix, c'est tout ce qu'il souhaite. Pour remettre en place ses idées et se laisser porter par le son mélodieux et nostalgique de son violon. Sa vie était un vrai foutoir et il se faisait douloureusement la leçon. Arrivé enfin dans un coin éloigné de la population londonienne et à l'abri des regards, Dexter s'installe sur le gazon et prend sa tête entre ses mains. Le vent automnale souffle légèrement autour de lui mais il n'en sent pas les embruns. Sa tête est remplie de l'image de ses parents. Ce qu'ils étaient avant et ce à quoi ils ressemblaient, par sa faute. Sentant des larmes picotées ses yeux, il se jure qu'il ne pleurera pas. Il n'avait pas pleuré à ce moment là et ne pleurera pas aujourd'hui.

Il attrape son violon précautionneusement, le sort de son étui et commence à jouer. Quel air, il n'en a pas réellement en tête, simplement ce qui sort de sa tête. Plus le temps passe et plus il se sent apaisé. Le violon a toujours eu cet effet sur lui. Reposant et agréable. Ses doigts se déplacent sur l'instrument sans qu'il n'y pense réellement et ses yeux se ferment. Un fin sourire se dessine sur son visage et le vrai comme le faux Dexter sont en paix, côte à côte dans son esprit. Chacun ne forçant pas Dexter à choisir quoi faire ou quoi dire, les deux étant juste paisibles. Et il aimerait tellement que tout soit comme ça, toujours. Mais la réalité le rattrape d'une façon assez... inattendue. Un bruit de chute le sortit de sa torpeur et la musique cessa, sous ses ordres. Tournant la tête, quel ne fut pas sa surprise en découvrant la jeune danseuse de son université avec qui ses relations sont plutôt conflictuelles. Et celle-ci affiche une moue béate hilarante. Ne pouvait-elle donc pas imaginée que le violoniste n'était autre que lui. Tout aussi surprise que lui, elle ne manque de le faire remarquer. Un sourire en coin, il se relève gracieusement, tout en gardant son violon à la main et s'approche de Lula. Quelques brins d'herbes sont dissimulés ça et là dans ses cheveux. Il les enlève délicatement, remarquant au passage la douceur de sa chevelure brune et lui lance : " Ma très chère miss Applewood. Ce serait plutôt à moi de dire cela, ne serait pas tu celle qui m'épiait derrière ce buisson ? Le propriétaire de ce ballon n'aurait pas pu me faire un plus beau cadeau. Je ne pensais pas que tu irais jusque là pour pouvoir passer du temps en ma compagnie, j'en suis flatté." Sachant que cela allait produire son effet, il se pare d'un sourire mauvais et se rapproche dangereusement d'elle, comblant l'espace en quelques secondes. Il la regarde droit dans les yeux - tiens ? Il n'avait jamais remarqué que ses yeux chocolats avaient de si jolis reflets. Chassant bien vite cette pensée et tentant de reprendre constance, il lui murmure : " Tu n'a pas besoin de te cacher si tu veux me voir en privé. Demande et je suis sur que tu seras amplement satisfaite. " Se sentant lui même assez gêné par leur proximité, ne comprenant pas pourquoi, il s'éloigne d'elle et se rassoit, indique la place à côté de lui et entame un nouveau morceau de violon. Il lance, d'une voix ironique : " Aller, sois pas timide, petite Applewood, viens t'asseoir. Je t'apprendrais comment on peut partager la passion d'un moment à travers un instrument et comment on peut le dompter, avec la souplesse de nos doigts." Il tourne la tête vers la jeune femme et lui fait un petit clin d’œil pour appuyer ses paroles.

This could really be a good life...