Tobeï était-il en proie de devenir aussi dédaigneux et haineux que pouvait l'être sa mère adoptive, comme cette dernière le craignait intérieurement ? Peut-être un peu, oui. Mais que pouvait-il y faire, tandis que ses camarades de classe - mais aussi ses professeurs - s'obstinaient à le considérer comme un paria, digne fils d'une femme violente et bien trop exclue des convenances sociales ? L'adolescent ne pouvait supporter l'irrespect qu'il constatait à l'égard de cette dernière, devenant sans doute ainsi bien plus proche d'elle au niveau de son caractère, de ses habitudes vis-à-vis des autres. Évidemment, cela n'était sans doute pas définitif, Tobeï gardant au fond de lui une âme relativement sage et généreuse, quoi qu'on puisse en penser ou en dire, vu de l'extérieur. En attendant, il ne pouvait que défendre son honneur, ainsi que celui de cette femme qu'il aimait tant, et ce malgré tout ce qu'elle pouvait faire pour entretenir la haine qui les liaient parfois.

L'honnêteté. Tobeï se rendait-il réellement compte de ses propres propos, et sans nul doute de leur justesse ? Certainement, oui. Les années passant, il avait en effet pu apprendre de sa mère adoptive, de la manière dont il pouvait s'adresser à elle, des termes qu'il pouvait - ou non - employés à des fins plus ou moins calculées. En était-il devenu quelqu'un de mauvais pour autant ? Non. Il s'agissait seulement pour lui d'une faculté nouvelle, lui permettant peut-être de communiquer davantage avec la jeune femme, si bornée dans sa haine et ses principes, et ce même à l'égard de son fils.

Regardant quelques secondes face à lui - dans le vide - le charmant jeune homme ne tarda néanmoins pas à reposer son regard noisette sur sa jeune mère, cette dernière ayant engagé quelques mouvements, visiblement mécontente de ce qu'elle venait d'entendre. Certes, Tobeï savait bien que ces mots ne lui feraient pas plaisir... Et alors ? Cela n'était que la vérité, au fond. Comment pouvait-elle seulement lui reprocher de les défendre, alors qu'elle-même passait son temps à violenter ses élèves - et peut-être même ses collègues - au moindre faux pas ? Il était absolument hors de question qu'il ne cède à sa pression, concernant ce sujet. Hors de question qu'il baisse seulement les yeux, promettant de ne plus jamais recommencer. Car il recommencerait sans doute, tant qu'il restera des personnes indignes de son respect.

CLAC !!

Que... Quoi ?!

Ses lèvres s'entrouvrant tandis que sa main venait instinctivement se poser sur sa joue meurtrie, Tobeï lança un regard plus surpris que mécontent à sa mère, se redressant légèrement tandis que cette dernière reculait étrangement. Un instant de silence fit alors naître en lui un sentiment étrange, son regard épiant sans répit les moindres réactions de la jeune femme. Une gifle ? Comment pouvait-elle le gifler, pour seulement quelques paroles, peut-être trop franches ? La franchise était-elle devenue source de punition ? Rapidement, l'enfant laissa de côté les raisons qui avaient pu pousser Ta Kae à s'en prendre ainsi à lui, sentant son cœur se serrer face aux doutes qui semblaient envahir cette dernière, la rendant tout à coup étrangement fragile à ses yeux.

BamBamBam

Pourquoi est-ce que tu as fais ça ?
Pourquoi ne pouvons-nous pas nous parler simplement ?
Je ne suis plus un enfant, tu sais. Je peux voir, je peux comprendre.
Mais tu ne fais aucun effort ! Tu ne veux pas me voir !

BamBamBam

Voyant sa mère tourner les talons en un trouble évident, le jeune garçon resta totalement paralysé et muet, ne comprenant par réellement ce qu'il se passait exactement, si ça n'était que son ventre était étrangement douloureux, comme si les émotions qui pouvaient traverser la jeune femme se répercutaient immédiatement sur lui, d'une manière des plus insupportables.

« Ne recommences pas, Tobeï. Tu es d’un irrespect… !! »

Non. C'est toi, qui est la plus irrespectueuse de nous deux ! Sinon pourquoi serais-tu prise de doutes ? Pourquoi me giflerais-tu sans raison valable ? J'ai le droit à la parole. J'ai le droit de m'exprimer, et ce même si ce que j'ai à dire ne te plait pas. Plus encore, si cela ne te plait pas. Je n'ai pas à me taire, et tu n'as pas à me fuir..

Tic Tac

CLAC !!!

En un rien de temps, Tobeï avait arrêté et fait se tourner sa mère en refermant sa main sur son frêle poignet, l'attirant quelque peu à lui et lui rendant une gifle qu'il n'avait pas réellement prémédité, simplement pris d'un élan douloureux vis-à-vis de l'injustice dont il avait l'impression d'être victime. Ayant terriblement grandit depuis sa rencontre avec sa mère adoptive, le jeune garçon n'avait à présent plus réellement de mal à contrôler physiquement cette dernière, et ce bien que cela ne soit pas du tout son but premier. Après tout, il n'avait pas l'intention de se venger d'elle à présent que sa force surpassait la sienne, mais seulement de s'en servir pour lui faire comprendre qu'elle ne pouvait plus tant le martyriser physiquement, comme elle avait pu le faire à de nombreuses reprises par le passé.

BamBamBam

Son regard vrillant un instant sur le côté tandis que sa main revenait à lui, le jeune garçon se senti un instant prit de nausées, ne sachant trop ce qui l'avait prit de s'en prendre à son tour à sa mère. Son ventre noué ne cessant de le faire souffrir, l'enfant ne tarda néanmoins pas à reposer les yeux sur sa mère, semblant un instant hésitant.

L'amour, ou la haine ?

La était sans doute toute la base de leur relation.
Et là était le choix que devait faire à présent Tobeï.

Tic
Tac

Et en un élan tout aussi troublé que sincère, le jeune garçon relâcha le poignet de la jeune femme et passa ses bras autours d'elle, l'un encadrant son cou tandis que l'autre passait par dessous son bras, au niveau de sa taille. Laissant son visage venir frôler très faiblement le sien dans cette ferme mais douce étreinte, le jeune garçon ferma un instant les yeux, son ventre se tordant plus que jamais tandis que la délicieuse odeur de sa mère était plus proche que jamais, lui rappelant sans aucun doute les nuits qu'il avait pu passer auprès d'elle.

Excuse-moi.

Tu me rends fou, tu sais.
J'aimerai pouvoir te parler, sans que cela ne finisse si mal.
J'aimerai - rien qu'une fois - que notre relation se rapproche de la normalité.
Mais nous ne sommes pas normaux. Tu n'es pas comme les autres.

T'aurais-je tant aimé,
Si cela avait été le cas ? ♠

And the whole world stops and stares.