Je suis dans mon lit, planqué sous la couette qui me fait comme une tente, la lampe torche allumée. Au loin je l’entends, le grondement du moteur de sa vieille voiture. Je l’ai reconnu.
Puis la porte qui s’ouvre en grinçant, qui claque derrière lui. Ses clés qui s’entrechoquent dans le vestibule lorsqu’il les lance dans le grand pot à fourre-tout sur le meuble. Ses pas qui se précipitent quatre à quatre dans les escaliers puis qui s’approchent, doucement. On les distincts à peine mais moi je les entends.
J’arrête de respirer, me pince les lèvres et gigote. Il est là cette fois. Juste derrière ma porte, je le sais. J’ose un regard à travers mon drap et je vois la poignée se baisser. Lentement. Mon cœur bat la chamade lorsque j’aperçois sa silhouette dans l’encadrement de la porte. Il reste un instant immobile et cet à cet instant qu’il dit :
« Je suis revenu pour toi. Je vais m’occuper de ton cas maintenant. »
Et je ne peux m’empêcher de reculer vers le mur en hurlant. En hurlant de rire et d’hystérie. Alors il se précipite sur moi, hôte d’un grand geste la couette qui me recouvre et commence à me torturer de ses chatouilles sur mes cotes. Il rit aussi et je vois ses yeux qui brillent. J’ai déjà 15 ans mais nous avons toujours ce rituel de gamins quand nous nous retrouvons.
Lorsqu’il en à finit avec moi il s’assoit sur mon lit et me souris. Je lui souris en retour mais mon sourire s'évanouie lorsque je discerne mieux son visage. Il est fatigué. Ses yeux, malgré son sourire sont tristes. Tout son visage est tiré et c’est comme si sa bouche était de travers. Je demande alors :

-C’était comment la guerre ?

Mon grand frère laisse également son sourire s’évanouir un moment puis hausse les épaules.

-Comme une guerre Alex. Mais ne t’en fait pas tout va bien. T’as faim ?

Je hoche la tête et le suis dans les escaliers. En bas, dans le salon mon père lis le journal, la radio allumée. Il lève les yeux lorsqu’il nous voit passer.

-Tu aurais pu nous saluer en passant Louis. Un courant d’air comme d’habitude.

Louis sourit et se dirige vers son père, se baisse pour l’embrasser.

-Bonjour Papa.

Puis nous nous dirigeons vers la cuisine. Ma mère sors un plat de lasagnes du four tandis que ma petite sœur est assise sur le plan de travail en train de caresser notre gros chat qui ronronne.

-Louis ! Crie-t-elle en descendant de son perchoir, oubliant le chat, et se jetant dans les bras de son grand frère qui la prend à bout de bras et la fait tourner dans les airs en riant.

- Louis pose là, elle à passer l’âge maintenant.

Ma mère avait un ton sévère mais un sourire en coin trahissait la joie qu’elle avait de voir son fils aîné. Celui-ci reposa sa petite sœur, déposa un bisou sur son front puis alla enlacer sa mère.

-Comment ça va maman ? Tu te reposes comme tu me l’avais promis ?
-Oh tu sais ton père me donne du fil à retordre.
-Menteuse.

Notre père est épaulé à l’encadrement de la porte, un grand sourire aux lèvres. Nous rions puis mettons la table en parlant fort, racontant nos journées.

-Quand dois-tu repartir Louis ? Questionna alors mon père.
-Demain matin.

J’en lâchai mes couverts, tout comme maman d’ailleurs et nos regards se fixèrent sur Louis.

-Pourquoi si tôt ? Demandais-je, bouleversé.
-Je ne peux pas rester, j'ai trop à faire.

Nous n’osâmes rien rajouter et finirent notre repas en silence. Après le repas maman et papa firent la vaisselle et Louis nous entraîna moi et ma sœur Cassandra dans le salon, près de la cheminée où il nous raconta alors ses exploits. Je me doutais bien qu’il enjolivait un peu les choses pour ne pas nous inquiéter et pourtant je ne pouvais m’empêcher de trouver ça impressionnant. C’est ce soir là que je décidai que bientôt, moi aussi je serai militaire, comme mon frère !

This could really be a good life...